29/04/12 - Réunion annuelle ASPCJE
Dimanche 29 Avril 2012 : Grandes retrouvailles de Printemps au "Cercle Bernard Lazare" autour d'un repas oriental suivi d'une conférence sur la situation en Egypte.
Cette année, contrairement aux années précédentes nous avions convenu d'organiser notre grand repas annuel au printemps et non pas en hiver. Pourquoi en effet ne pas profiter des jours plus longs et plus chauds et peut-être même nous rappeler une fête populaire printanière égyptienne, joyeuse et colorée, le "Cham-el-Nessim" ?
Le lieu choisi était toujours la salle spacieuse du Cercle Bernard Lazare que nos membres connaissent bien ; et la formule du repas était un peu différente de celle des deux années précédentes au cours desquelles nous avions préparé nous mêmes une grande partie du repas. Cette fois-ci c'était donc un traiteur libanais M. Victor Faraj qui avec sa famille assura le repas de A à Z.
Venons-en au repas. Le menu était composé de salades diverses et variées, de sambousseks, de falafels et de foul ainsi que de gâteaux libanais. Les plats chauds étaient « effectivement chauds » ce qui est bien agréable.
Le menu a été jugé très copieux et sa qualité essentiellement satisfaisante par de nombreuses personnes. Certains éléments du repas ont été plus appréciés et d'autres moins. C'est pourquoi nous vous avons adressé par mail une petite enquête qui nous permettra de faire peut-être « un sans-faute » la prochaine fois.
Il était prévu aussi de présenter, avant la conférence sur l'Égypte, un projet valeureux conçu par Emile Gabbay, du bureau de l'ASPCJE et Jean-Claude Kuperminc, directeur de la bibliothèque de l'Alliance Israélite Universelle, projet auquel se joignent l'AJOE et l'Association Internationale Nébi Daniel. Il s'agit d'intégrer dans un immense catalogue documentaire, le catalogue Rachel, l'ensemble de la bibliothèque de Jacques Hassoun mais aussi celle de Simon Mani sans compter tous les documents que possédait déjà l'AIU. Le point central du programme serait la « numérisation » de ces documents les rendant ainsi lisibles dans le monde entier sur un simple écran d'ordinateur. M. Jean-Claude Kuperminc ayant été empêché en dernière minute, Emile Gabbay a présenté le projet et lu la lettre de M. Kuperminc qui appelle en conclusion à une demande d'aide financière et bénévole pour arriver à concrétiser ce plan à la fois ambitieux et bien réalisable.
Après qu'André Cohen nous ait annoncé nos prochains Cercles de Lecture, qui promettent d'être à la fois variés et passionnants, la conférence sur l'Égypte commença. La plupart d'entre nous sont toujours très intéressés par les informations concernant notre pays natal, ne serait-ce que par la proximité Égypte-Israël. Nous avons la chance de bien connaître un politologue égyptien, M. Tewfick Aclimandos qui a très aimablement accepté de nous faire un exposé très documenté (il arrivait tout juste du Caire). Etait aussi présent à la tribune notre ami Ilios Yannakakis, lui aussi historien et bien connaisseur de l'Égypte.
Tewfik Aclimandos, politologue expert de l'Égypte, qualifié par le modérateur de la séance, Illios Yannakakis, comme un analyste prudent, récuse cette désignation, qu'il mérite pourtant bien. Concernant la situation en Égypte, Illios Yannakakis fait remarquer que les mass media français nous laissent sur notre faim. Nous sommes en effet beaucoup mieux renseignés sur ce qui se passe au Maghreb qu'au Proche Orient.
Tewfik Aclimandos de retour d'Égypte nous informe qu'il fouille la presse égyptienne quotidiennement, mais cet exercice, qu'il bouclait il y a un an en 5 heures, lui prendrait aujourd'hui plus de 20 heures ! Il nous cite son informateur préféré, le petit marchand de journaux qui bavarde avec ses clients et qui est au courant de toutes les rumeurs !
Cependant, force est de constater qu'en dépit de toutes ces recherches, il s'avère très difficile de démêler l'écheveau de cette situation complexe. Parmi toutes les forces en présence, quelles sont celles qui tirent les ficelles ?
Cette révolte qui a éclaté au moment où personne ne s'y attendait, a eu comme conséquence une évolution des comportements. En effet, quelques années auparavant, la majorité de la population ne s'intéressait guère à la politique. Maintenant c'est le sujet de prédilection.
Une autre conséquence bien plus inquiétante c'est la circulation d'armes de guerre que l'on peut facilement se procurer : fusils, mitraillettes, et ... même des missiles.
Quelles sont les différentes forces en présence ?
- L'Armée :
Cette dernière est forte de son autorité et de son patrimoine. Accueillie chaleureusement par les jeunes révolutionnaires au début, elle suscite maintenant une méfiance certaine.
- La Police :
C'est avec une certaine amertume qu'elle constate qu'elle a perdu une grande partie de ses prérogatives. C'est la conséquence de son comportement opportuniste envers les révoltés de la Place Tahrir. Pour le moment, l'Armée et la police considèrent être parvenues à neutraliser les jeunes révolutionnaires, mais il est fort probable que ces derniers n'aient pas dit leur dernier mot.
- Les Frères musulmans :
Après avoir longuement hésité à participer à la révolte, ils estiment maintenant que le pouvoir est à portée de main, et que s'ils laissent échapper cette opportunité, cette chance ne se représentera pas de sitôt. Une bonne partie de la classe moyenne qui a pris part à la révolte de la place Tahrir redoute que leur arrivée au pouvoir ne sonne le glas de l'industrie touristique qui est avec le Canal de Suez la plus importante rentrée de devises et pourvoyeuse d'emplois. Un autre sujet d'inquiétude c'est le déclenchement d'une guerre avec Israël. Ce pays est loin d'être adulé par les Égyptiens, mais de là à ouvrir des hostilités, il y a un pas que nul ne souhaite franchir.
- Les jeunes :
Formant une troupe disparate, ils constituent l'immense majorité des révoltés. On trouve parmi ceux-ci des libéraux, des laïques, des islamistes, des Frères musulmans, des Salafistes, des Wafdistes etc.
Les jeunes sont groupés dans 270 mouvements et en général ont une attitude nihiliste, menaçant de repartir en lutte si le progrès de la démocratie n'est pas au rendez-vous.
- Les Salafistes :
Ils sont soutenus par l'Arabie Saoudite qui déteste les Frères musulmans. Les deux organisations, capables du meilleur comme du pire, mentent tout le temps.
- Les Puissances Etrangères :
L'Arabie Saoudite soutient, comme nous l'avons vu, les Salafistes. Ils vouent aux gémonies les Frères musulmans qu'ils accusent d'avoir soutenu Saddam Hussein lors de l'invasion du Koweït par ce dernier.
Les Etats Unis souhaitent avant tout, qu'un accord intervienne entre la Police, l'Armée et la participation d'islamistes « modérés ».
- Les élections :
Les Salafistes et les Frères musulmans ont obtenu près de 70 pour cent des voix des électeurs.
Trois candidats, actuellement, se disputent sérieusement la future présidence :
Amr Moussa, homme d'expérience, rassurant, soutenu par les Salafistes, mais compromis avec l'ancien régime, Abd el Foutouh, représentant des classes moyennes, Moursi représentant des « Frères ». Sur ce parti plane la menace de l'inconstitutionnalité de la Chambre (où il a la majorité). Situation embarrassante d'une Égypte empêtrée dans ses contradictions.Paradoxe de la situation : Un président sera élu, mais l'Égypte n'a pas de constitution !
Diverses questions sont évoquées : Israël, haï mais personne en Égypte ne souhaite repartir en guerre ; les Coptes en situation délicate, etc.
Un grand merci à nos amis Illios Yannakakis et Tewfik Aclimandos qui nous ont permis de mieux percevoir la complexité de la situation en Égypte, surtout à l'approche des élections présidentielles qui doivent se dérouler le 23 et 24 mai 2012.
Joe Chalom, Victor Attas et Michel Mazza.